Lettre au Premier ministre concernant le budget 2025

Lettre adressée à l’honorable Mark Carney, C.P., député, premier ministre du Canada, concernant les consultations budgétaires de 2025.

Monsieur le Premier Ministre, 

Au nom du Conseil canadien des affaires (CCA), je vous remercie de me donner l’occasion de contribuer aux délibérations budgétaires du gouvernement fédéral. Nous venons de terminer des consultations auprès d’éminents économistes et experts en politiques publiques canadiens, ainsi qu’un sondage auprès de nos membres. Le message que nous avons reçu est clair : 

• Le Canada traverse une crise de l’investissement. Notre pays a besoin de davantage d’investissements, publics et privés, pour accroître sa productivité et sa croissance, et relever les défis nouveaux et récurrents auxquels nous sommes confrontés en tant que nation. 

• Toute initiative d’investissement doit s’inscrire dans un plan budgétaire crédible qui prévient une nouvelle détérioration du bilan du Canada. 

Même avant la série de chocs mondiaux des cinq dernières années, l’investissement des entreprises au Canada s’affaiblissait, ce qui s’est traduit par une faible productivité et une stagnation des revenus des ménages et des travailleurs. La perturbation de l’ordre commercial mondial, accélérée cette année par les changements de politique américaine sous la présidence de Donald Trump, n’a fait qu’aggraver la crise. 

Soyons clairs : la politique commerciale « America First » de l’administration Trump a révélé de manière flagrante les faiblesses et les vulnérabilités de longue date de l’économie canadienne. Les politiques américaines ne sont pas à l’origine de ces vulnérabilités. Elles résultent des mesures – ou de l’inaction – prises par les pouvoirs publics ici au Canada. 

Dans ce contexte, le milieu des affaires canadien est encouragé par le fait que vous ayez axé votre programme économique sur la nécessité d’accroître les investissements dans notre économie. 

Vous avez pour mandat d’élaborer un budget favorable à la croissance dans un contexte difficile pour le pays, marqué par l’incertitude économique et politique mondiale. Nous soutenons les investissements qui diversifient nos marchés, renforcent notre résilience, améliorent notre compétitivité, attirent les capitaux privés et stimulent le potentiel de croissance de l’économie. Une baisse des impôts sur les investissements et les capitaux des entreprises sera essentielle à cet égard. 

Mais toute marge de manœuvre budgétaire à court terme doit être assortie de conditions très importantes. 

Premièrement, le budget doit s’inscrire dans une stratégie de croissance plus vaste. Les problèmes d’investissement du Canada ne seront pas résolus par les dépenses publiques. On peut faire beaucoup, d’un simple trait de plume aujourd’hui, pour libérer l’entreprise privée et les capitaux sans que cela coûte un sou à l’État. Il suffit de courage politique. 

Deuxièmement, le budget doit être axé sur l’investissement. Nous n’avons ni le temps ni la capacité financière pour les jeux politiques ni les subterfuges. 

Troisièmement, le plan budgétaire doit s’accompagner d’un plan sérieux de réduction du déficit à moyen terme. 

Nous ne pouvons pas assurer la prospérité par l’emprunt. Si votre gouvernement décide que des investissements financés par le déficit sont nécessaires, ils doivent être réalisés de manière responsable. Toute détérioration de la situation budgétaire, même à des fins d’investissement, doit s’accompagner d’un plan crédible visant à réduire le déficit année après année. 

Pour concrétiser cela, nous recommandons cinq engagements simples : 

  1. Définir une trajectoire crédible de réduction du déficit. Nous reconnaissons la difficulté du point de départ et la nécessité d’investissements initiaux, mais cela devrait être soutenu par des réductions significatives du déficit absolu d’une année sur l’autre. Au minimum, nous attendons du gouvernement qu’il réduise de moitié le déficit élevé de cette année en trois ans. 
  1. Maîtriser les dépenses. Maintenir la croissance des dépenses totales en dessous de la croissance nominale du PIB à moyen terme et procéder à un examen complet des programmes, fondé sur les principes fondamentaux. La maîtrise des dépenses implique également l’absence de nouveaux programmes permanents non financés ; toute augmentation continue des dépenses doit être compensée par des économies permanentes ou une source de revenus identifiée. Les priorités doivent être négociées, et non superposées. 
  1. Emprunter uniquement pour des investissements productifs, sans artifice. Le CCA soutient un emprunt responsable pour des projets et des initiatives qui renforcent manifestement notre capacité économique, tels que les infrastructures propices au commerce et les actifs de défense stratégiques. Cependant, nous émettons d’importantes réserves quant à la proposition de séparation des budgets de fonctionnement et d’investissement, les experts avertissant qu’elle est inutile et risque d’être utilisée pour requalifier les dépenses courantes d’« investissement ». Si le gouvernement va de l’avant, il devra s’appuyer sur des définitions claires et publiques et sur un mécanisme de surveillance indépendant afin de préserver sa crédibilité. 
  1. Adopter deux ancrages budgétaires clairs. Outre un plan de réduction du déficit, nous recommandons l’adoption de garde-fous budgétaires supplémentaires pour guider la politique à moyen terme. Nous en proposons au moins deux : un ratio dette/PIB en baisse et un ratio intérêts/recettes stable ou en baisse. Le gouvernement devrait adopter un principe de « contenir et réduire » concernant les indicateurs de viabilité budgétaire. 
  1. S’engager dans un programme de réformes structurelles propice à la croissance. Un plan budgétaire crédible ne peut réussir sans une économie en croissance. Autrement dit, sans croissance, il n’y a pas de voie vers la viabilité budgétaire. Nous exhortons le gouvernement à s’engager dans des réformes cruciales et attendues depuis longtemps : une réforme fiscale globale pour simplifier le système et encourager la formation de capital, éliminer les obstacles au capital dans des secteurs clés comme le pétrole et le gaz, et entreprendre une révision approfondie du processus réglementaire canadien afin de débloquer les investissements du secteur privé. Lorsque les investisseurs peuvent évaluer le temps et le risque, davantage de projets franchiront la ligne d’arrivée. Il est tout aussi important de réussir la révision et le renouvellement de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC). Le Canada n’attirera pas les investissements commerciaux, étrangers ou nationaux, nécessaires à la croissance de son économie si nous ne conservons pas un accès préférentiel à notre plus grand et plus important partenaire commercial. Notre stratégie de croissance économique doit maintenir des niveaux élevés d’échanges commerciaux et d’investissement avec les États-Unis, tout en augmentant nos échanges commerciaux et nos investissements avec d’autres marchés clés. 

Ces mesures sont pragmatiques, non idéologiques et pleinement compatibles avec l’objectif que nous partageons, je crois, de créer une plus grande prospérité pour tous les Canadiens. 

Nous serions ravis de discuter plus en détail de ces recommandations et de vous faire part des conclusions détaillées de nos consultations à votre convenance. 

Nous vous remercions de votre considération et de votre service aux Canadiens. 

Respectueusement, 

Goldy Hyder

Copie conforme: 

François-Philippe Champagne, ministre des Finances et du Revenu national 

Chris Forbes, sous-ministre des Finances 

Michael Sabia, greffier du Conseil privé